Le théâtre est-il politique ? Par nature, ou par déviance ? Dans une époque — la nôtre — où le mot d’ordre est à l’impératif politique, où règne le slogan du « tout est politique », comment penser la singularité de la pratique théâtrale d’un point de vue politique ? Si le théâtre a encore à voir avec le monde, et s’il dialogue avec la société dans laquelle il s’inscrit, il faudrait voir dans quelle mesure l’art théâtral tout à la fois résiste aux injonctions de la société (qui voudraient que les artistes deviennent des travailleurs sociaux, œuvrant au vivre-ensemble, et palliant ainsi les défaillances de l’état social) et fabrique malgré tout une parole et une pratique politique qui serait tout autant de l’ordre de la révolte que de l’utopie. Si le théâtre est politique, c’est dans la mesure d’une inquiétude et d’une responsabilité : celle qui ferait de l’art une réponse aux violences qu’on nous inflige, et qui confierait au spectateur la tâche de la construire.