Derrière cette notion de « culture matérielle » se déploie une histoire des idées qui est en même temps l’histoire de la constitution de l’anthropologie elle-même. Mauss définit la technique comme un compromis entre la nature et l’humanité, ce qui lui confère un caractère unique, à la fois extra-sociale - parce qu’elle est dans une certaine mesure régie par les lois de la physique - et en même temps sociale, car toute société possède une culture matérielle à travers laquelle elle se définit et qui la façonne en retour. Cette double nature confère à la matérialité une transversalité passionnante à penser. Nous savons aujourd’hui grâce à des travaux récents qu’aux côtés des humains, des non humains - animaux, végétaux, esprits, ancêtres, bactéries, machines - sont tout autant acteurs au sein des agencements relationnels, des dispositifs et des communautés de pratiques tels qu’ils se manifestent dans le champ des pratiques matérielles. Parler des matérialités nous conduira donc à aborder la nôtre, celle des humains, et celles de quelques non humains, particulièrement de grands primates et d’oiseaux. Cela nous amènera à explorer les problématiques, la méthodologie et les concepts fondateurs de ce domaine, et la manière dont ceux-ci ont évolué dans le temps au fil d’une transdisciplinarité croissante de leur traitement.